Le docteur Moulineaux s’est entiché d’une patiente. Rentré à l’aube après l’avoir attendu vainement au bal del’opéra et égaré ses clés, il doit affronter les soupçons de sa jeune épouse. Croyant se tirer d‘affaire, il prétexte avoir passé la nuit au chevet d’un mourant. L’alibi tombe à l’eau lorsque le prétendu mourant se présente, enpleine forme! Dès lors, Moulineaux, en proie à un affolement croissant, s’empêtre dans un tissu de mensonges de plus en plus gros, sans jamais pouvoir en maîtriser les effets.
Pincé par son épouse, une jeune femme bien moins naïve qu’il n’y parait, Moulineaux se débat entre son domestique, un mêle tout insolent; Bassinet, un importun pot de colle; son empoisonneuse belle-mère;Suzanne, en maitresse aussi coquine que nunuche et son mari, le suffisant Anatole Aubin de Villetaneuse. L’affaire se corse encore un peu plus lorsque Moulineaux décide, pour abriter ses amours extra conjugaux, delouer le petit entresol de Bassinet jusqu’ici occupé par une couturière.
A peine installés, les tourtereaux voient débarquer successivement, les clientes hautes en couleurs de la couturière, la belle-mère, Bassinet, le mari trompé accompagné de sa maîtresse Rosa ; une femme au caractère bien trempé et pour compléter le tableau l’épouse légitime du docteur.
Les répartis fusent, les situations absurdes et irrésistiblement drôles s’enchainent à un rythme endiablé et les fils de l’actions’entremêlent entrainant les personnages dans un tourbillon de voltefaces, de tromperies et de rebondissements. Moulineaux finit par se prétendre Tailleur pour Dames, de surcroit habillant des têtescouronnées ! On croit avoir atteint le paroxysme de cet imbroglio de duperies lorsque les maris volages sontdémasqués, et que les femmes tiennent la dragée haute à ces messieurs.
Point du tout, Moulineaux et Aubin tentent vainement de se rabibocher avec leurs épouses et le tourbillon des quiproquos et des supercheries repart de plus belle, Jusqu’à la scène finale où chacun retrouve sa chacune dans un dénouement heureux. Mais Moulineaux est–il sauvé pour autant ? Une dernière pirouette et le rideau tombe !
Tailleur pour dames est la première grande pièce de Feydeau. Il l’a écrit en 1886 à l’âge de 23 ans. Ce classique du vaudeville possède une mécanique diabolique. C’est une de ses pièces les plus vives, rythmées, et folles qu’il aitécrite. Les situations incongrues et parfois invraisemblables ne laissent pasune seconde de répit. C’est un TGV lancé à grande vitesse, et ce qui provoque le rire c’est l’énergie décuplée sur le plateau où la vitesse est primordiale.
Une adaptation se devait de préserver cette mécanique d’horlogerie.D’autre part, j’ai voulu dépayser la pièce au milieu du XXème siècle pourl’esthétique des costumes et le design des intérieurs des appartements cossus. Florence Suffys, qui a conçu les toiles de fond des décors, m’y agrandement aidé. J’ai aussi modernisé certains passages, surtout sur la fin de la pièce. Quoiqu’il en soit, la construction initiale reste inchangée et latrame narrative, truffée de nombreuses péripéties, demeurent. Ce sont les fondamentaux de l’auteur qu’il fallait respecter.
Quant à la mise en scène, elle repose toute entière surl’interprétation des acteurs, à commencer par XavierDelerue qui incarne avec brio un docteur Moulineauxaux abois, qui plus il s’agite, plus il s’enfonce. Plusgénéralement il s’agissait pour moi de mettre en exergue la logique infernale imposée par Feydeau, par une mise en tension des personnages, en mouvement perpétuel, dans un ballet de chassés croisés. Les acteursse sont prêtés à ce jeu difficile et s’en donnent à cœur joie pour incarner la loufoquerie comique de leur rôle.
Enfin, initialement, si la consistance des personnagesféminins n’était qu’esquissé, l’interprétation desactrices apporte une touche de modernité à la pièce.Elles ne sont ni dociles, ni effacées. Elles ne s’en laissent pas compter par la gente masculine et peuvent mêmese montrer velléitaires à l’occasion. Enfin, j’ai misé sur une débauche d’énergie des acteurs, parce que je savais pouvoir compter sur une sacrée bande de comédiens, une troupe quoi !